
Bataille d’Austerlitz
Résumé
La bataille d’Austerlitz, dite « des Trois Empereurs », marque l’apogée de la stratégie napoléonienne. Face à une armée alliée supérieure en nombre, Napoléon utilise la ruse, la préparation minutieuse du terrain et la mobilité de ses troupes pour transformer une position apparemment défavorable en une victoire écrasante. Il choisit délibérément de placer son armée sur le plateau de Pratzen, qu’il fait ensuite évacuer afin d’attirer l’ennemi à y concentrer ses forces. Convaincus que le flanc droit français est affaibli, les Austro-Russes y lancent l’essentiel de leurs troupes. Cette manœuvre affaiblit dangereusement leur centre, qu’ils estiment hors d’atteinte. Napoléon attend que l’ennemi s’engage pleinement dans cette erreur avant de donner l’ordre au corps de Soult, dissimulé dans la brume, de monter à l’assaut du plateau. La percée du centre coupe littéralement l’armée alliée en deux, semant la panique et rendant toute coordination impossible. Sur les ailes, Davout et Lannes résistent ou progressent selon le plan, tandis que la cavalerie de Murat et la Garde impériale exploitent l’effondrement du dispositif ennemi pour capturer des milliers de prisonniers. La déroute est totale : de nombreux soldats austro-russes se noient en tentant de fuir à travers les étangs gelés de Satschan, sous le feu de l’artillerie française. Austerlitz est non seulement un chef-d’œuvre tactique, mais aussi un tournant politique pour l’Europe, la victoire plaçant Napoléon au sommet de sa gloire et bouleversant l’équilibre continental.
Contexte historique
La bataille se déroule dans un contexte de bouleversements majeurs en Europe. Après la création de la Troisième Coalition par la Grande-Bretagne, l’Autriche et la Russie, Napoléon réagit avec rapidité : il écrase l’armée autrichienne à Ulm (octobre 1805) et occupe Vienne sans coup férir. Cependant, la menace principale reste l’armée austro-russe qui, renforcée par des contingents russes sous Koutouzov et la présence personnelle du tsar Alexandre Ier et de l’empereur François II, cherche à reprendre l’initiative. Napoléon, conscient du rapport de forces, veut à tout prix éviter l’arrivée de la Prusse et d’autres renforts ennemis. Il feint la faiblesse, entame des négociations dilatoires et, le 1er décembre, inspecte le terrain autour d’Austerlitz, qu’il juge idéal pour un affrontement décisif. Le choix de la date – un an jour pour jour après son sacre impérial – n’est pas anodin et sert à galvaniser ses troupes. Les alliés, certains de la supériorité de leur position et trompés par l’apparent affaiblissement français sur la droite, sont poussés à attaquer dans des conditions défavorables, sur un terrain soigneusement choisi par Napoléon. L’engagement du corps de Davout, qui arrive à marche forcée après une nuit de 110 kilomètres parcourus, est crucial pour la solidité du dispositif français. Enfin, la bataille intervient dans un climat de tension extrême : pour la France, il s’agit d’affirmer la domination continentale et d’isoler la Grande-Bretagne, tandis que pour l’Autriche et la Russie, l’enjeu est de restaurer leur influence et d’abattre l’Empire naissant.
Déroulement et tactiques
La manœuvre principale de Napoléon repose sur le piège tendu au centre du dispositif ennemi. Il place ses hommes en retrait du plateau de Pratzen, attirant les Alliés à se masser sur leur aile gauche pour attaquer ce qu’ils croient être le point faible français (le flanc droit, tenu par Davout). Dès que l’attaque alliée est pleinement engagée et que le centre ennemi se trouve dégarnis, Napoléon ordonne à Soult (IVe corps) de monter à l’assaut du plateau avec deux divisions (Saint-Hilaire et Vandamme). L’assaut, appuyé par la réserve de la Garde et les grenadiers d’Oudinot, est foudroyant : en moins d’une heure, le plateau est repris, scindant l’armée alliée en deux. Sur l’aile droite française, Davout, malgré des forces inférieures et arrivant à bout de forces, tient tête aux attaques alliées, retardant leur progression. À gauche, Lannes et Murat, opposés à Bagration, empêchent toute menace sérieuse. La cavalerie française intervient décisivement pour empêcher la jonction des troupes ennemies coupées du centre. Enfin, l’artillerie, positionnée en hauteur, fait feu sur les colonnes austro-russes désorganisées, notamment lors de la fuite à travers les étangs gelés, causant de lourdes pertes. La gestion du temps, de la lumière (la bataille commence sous une brume matinale qui se dissipe brusquement), la réserve et la capacité de redéployer les forces à des moments-clés, donnent à Napoléon un ascendant absolu.
Conséquences
La victoire d’Austerlitz est décisive à plusieurs niveaux. Sur le plan diplomatique, elle conduit à la signature du traité de Presbourg le 26 décembre 1805, qui impose à l’Autriche de lourdes pertes territoriales (Tyrol, Vénétie, Dalmatie, etc.) et une indemnité financière. L’Autriche quitte la coalition et le Saint-Empire romain germanique, symbole du vieil ordre européen, est dissous l’année suivante, remplacé par la Confédération du Rhin sous contrôle français. La Russie, humiliée, se retire temporairement, mais le tsar Alexandre jure de prendre sa revanche, ce qui prépare les guerres ultérieures. Pour la France, la victoire assoit l’aura de Napoléon comme stratège invincible et renforce la cohésion du régime impérial. Militairement, la supériorité des méthodes françaises (manœuvre, vitesse, artillerie, coordination interarmes) s’impose comme un modèle en Europe. L’impact psychologique est immense : l’armée française est persuadée de sa supériorité, tandis que les alliés doutent de leur capacité à vaincre Napoléon sans une nouvelle coalition encore plus large. L’équilibre géopolitique de l’Europe s’en trouve profondément bouleversé, inaugurant une ère d’hégémonie française qui durera jusqu’à la campagne de Russie.